La maladie
Qu’est-ce que l’acromégalie ?
L’acromégalie est une maladie qui se caractérise par une croissance exagérée du visage
et des extrémités lorsqu’elle se manifeste après la puberté, et par une très grande taille
(gigantisme) lorsqu’elle survient avant la puberté. Elle est due à une sécrétion excessive
de l’hormone de croissance. Elle est également appelée maladie de Pierre Marie, d’après le
nom du médecin qui l’a décrite.
Combien de personnes sont atteintes de la maladie ?
C’est une maladie rare qui touche une personne sur 15 000 à une sur 25 000. Son incidence
(nombre de nouveaux cas par an) est de 3 à 5 nouveaux cas par million d’habitants et par
an. Cependant, le délai entre l’apparition des symptômes et le moment du diagnostic dépassant souvent une dizaine d’années, il existe de nombreux cas encore non diagnostiqués.
Qui peut en être atteint ? Est-elle présente par tout en France et dans le monde ?
L’acromégalie survient plus fréquemment entre 30 et 40 ans, bien qu’elle puisse apparaître
à tout âge. Elle est toutefois exceptionnelle chez les personnes âgées. L’acromégalie touche
un peu plus de femmes que d’hommes, et concerne toutes les populations.
A quoi est-elle due ?
L’acromégalie est liée à une production excessive d’hormone de croissance, aussi appelée
GH (pour growth hormone), ou hormone somatotrope (STH). Cette hormone est une sorte de
messager circulant dans le sang et agissant ainsi sur tout l’organisme. Comme son nom l’indique, elle joue un rôle majeur dans la croissance de l’enfant et de l’adolescent. Cependant
elle est également indispensable chez l’adulte, puisqu’elle maintient l’épaisseur de la peau
et des muscles et favorise la diminution de la masse graisseuse, contribuant ainsi au bon fonctionnement de l’organisme et à la lutte contre le vieillissement.
L’hormone de croissance est fabriquée par l’hypophyse, une petite glande de la taille d’un
pois chiche, située dans le cerveau
Le plus souvent, l’acromégalie est liée au « grossissement » de l’hypophyse, dont les cellules se multiplient et produisent trop d’hormone de croissance. En fait, ce grossissement est
dû à l’apparition d’une tumeur bénigne, c’est-à-dire d’une masse non cancéreuse, au niveau
de l’hypophyse. Cette tumeur est appelée adénome hypophysaire. Comme l’hypophyse produit plusieurs types d’hormones, l’hypersécrétion peut aussi concerner une autre hormone,
la prolactine, en plus de l’hormone de croissance. La prolactine agit sur la croissance des
glandes mammaires, la sécrétion de lait et la fertilité.
Lorsque l’acromégalie n’est pas due au développement d’un adénome au niveau de l’hypophyse, elle peut être la conséquence d’une « hyperactivité » de l’hypophyse (dans moins de
1 % des cas). Normalement, l’hypophyse reçoit des ordres d’une seconde glande (appelée
hypothalamus), qui la commande par le biais d’une hormone appelée GHRH.
Dans certains
cas exceptionnels, une tumeur située n’importe où dans le corps (le plus fréquemment dans
les poumons, le pancréas, les reins ou les ovaires) va se mettre à produire de manière totalement anarchique de la GHRH (parallèlement à l’hypothalamus). Cette GHRH « pirate » va
agir sur l’hypophyse et lui ordonner de produire de l’hormone de croissance.
Enfin, dans certains cas, aucune cause n’est retrouvée.
Est-elle contagieuse ?
L’acromégalie n’est pas une maladie contagieuse.
Quelles en sont les manifestations ?
L’acromégalie est une maladie caractérisée par de nombreuses manifestations liées à l’excès
d’hormone de croissance et parfois à l’adénome hypophysaire lui-même (en cause dans la
grande majorité des cas). Les symptômes varient selon qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un
adulte.
Acromégalie apparaissant à l’âge adulte
Manifestations liées à l’excès d’hormone de croissance
Chez l’adulte, la maladie se manifeste par une augmentation progressive du volume du
visage et des extrémités (mains et pieds). La personne note un élargissement des mains
(il devient diffi cile par exemple de retirer les bagues), un élargissement des pieds avec
augmentation de la pointure des chaussures, et un épaississement du crâne (la taille des
chapeaux augmente). A terme, le visage prend un aspect typique : il devient lourd, massif
avec élargissement de la base du nez. Le front a l’air bas et ridé, avec les arcades sourciliè-
res et les pommettes saillantes (fi gure 2). Les lèvres sont épaissies, le menton est saillant
en avant (prognathe), et les dents s’écartent progressivement. La voix est souvent rauque
Ces changements physiques apparaissent très progressivement, sans que cela alerte le malade ou sa famille, et ils ne sont visibles qu’en comparant avec des photos anciennes. Pour
cette raison, les personnes atteintes mettent souvent longtemps avant d’aller consulter un
médecin.
Parfois, les douleurs du dos (rachialgies) et des articulations (arthralgies) sont au premier
plan et ce sont elles qui amènent le malade à consulter. Elles touchent les deux tiers des
malades et peuvent être très invalidantes, surtout lorsqu’elles concernent les doigts (dif-
fi cultés pour écrire, boutonner une chemise…). Des déformations osseuses apparaissent
également, et notamment une déviation de la colonne vertébrale (scoliose) ou la saillie du
sternum (os qui se trouve au milieu du thorax, entre les côtes). Un gain de poids est fré-
quent et peut être important. Une fatigue prononcée est présente chez tous les malades.
L’apparition d’un syndrome du « canal carpien » est très fréquente (40 à 50 % des cas).
Ce syndrome entraîne des engourdissements et des picotements, puis de véritables douleurs, surtout nocturnes, au niveau de la main. Ces douleurs peuvent réveiller la personne
atteinte la nuit. Sans traitement, les muscles de la main perdent petit à petit leur volume
et s’affaiblissent.
Les oreilles peuvent également être atteintes, ce qui entraîne une baisse de l’audition. Les
ronfl ements et les pauses respiratoires pendant le sommeil (apnées du sommeil) sont très
courants (jusqu’à 60 % des cas). Les malades « oublient » ainsi de respirer pendant quelques secondes. Ces arrêts respiratoires sont gênants car ils s’accompagnent de somnolence pendant la journée et entraînent à long terme des troubles cardiaques et respiratoires.
De plus, l’hormone de croissance a des effets sur divers organes. Ainsi, la peau s’épaissit
et se ride, les personnes transpirent davantage, le système pileux peut se développer et
les muscles augmenter de volume. Les organes internes (viscères) augmentent également
de volume : c’est le cas pour le foie (hépatomégalie), la thyroïde (ce qui provoque dans
certains cas un goitre, c’est-à-dire une tuméfaction au niveau du cou), mais surtout le cœur
(cardiomégalie, 70 à 80 % des malades).
La cardiomégalie est une complication potentiellement grave, car lorsque le cœur est trop gros, il ne peut plus assurer sa fonction de pompe et le corps risque de ne plus être oxygéné suffi samment, surtout lors d’un effort. Ainsi, les malades sont souvent essoufflés (insuffi sance cardiaque) et souffrent d’hypertension artérielle (35 % des cas), ce qui risque à long terme d’endommager le cœur, les vaisseaux, les reins… Dans certains cas, ce sont ces complications qui font découvrir la maladie.
Un diabète (taux de sucre trop élevé dans le sang) peut aussi apparaître, pouvant se manifester par une fatigue, une soif et une faim intenses, une augmentation du volume des urines.
Manifestations liées à la tumeur hypophysaire
Lorsque l’acromégalie est due au développement d’un adénome dans l’hypophyse, d’autres
symptômes peuvent survenir. Ils sont liés à la tumeur elle-même qui, en grossissant, exerce
une pression sur le cerveau. Des maux de tête (céphalées) résistants aux traitements et
une diminution de la vision, voire un rétrécissement du champ de vision sur les côtés, sont
fréquents (respectivement 65 et 20 % des cas).
Lorsque l’adénome hypophysaire a un volume important, il peut comprimer les cellules
voisines, dans l’hypophyse, qui contrôlent la sécrétion d’autres hormones. Ces hormones
seront alors produites en quantité insuffi sante, ce qui crée d’autres symptômes. Ainsi, une
diminution des hormones produites par la thyroïde (hypothyroïdie), par les glandes surré-
nales (insuffi sance surrénale) ou sexuelles est fréquente.
- L’hypothyroïdie se traduit par un « ralentissement » du fonctionnement du corps : diminution du rythme cardiaque et du transit intestinal (constipation), baisse des capacités intellectuelles, fatigue, frilosité, prise de poids, baisse de la libido (désir sexuel) et signes
dépressifs.
- L’insuffisance surrénale entraîne généralement une fatigue, une perte d’appétit, une diminution de la tension artérielle et une pâleur de la peau ainsi qu’une diminution de la
pilosité au niveau des aisselles et du pubis.
- La diminution du taux d’hormones sexuelles peut être responsable, chez les femmes atteintes, de troubles des règles (absence des règles ou aménorrhée, allongement du cycle…) avec un écoulement mammaire ou des « montées de lait » (galactorrhée), survenant parfois
même chez les hommes. Ces symptômes peuvent également être dus à la sécrétion excessive
de prolactine, due parfois à l’adénome hypophysaire. Chez les hommes, il peut y avoir une
impuissance et les glandes mammaires peuvent augmenter de volume (gynécomastie).
Par ailleurs, les différents troubles hormonaux sont souvent responsables d’une baisse de
la libido chez les hommes comme chez les femmes.
Acromégalie apparaissant chez l’enfant
Chez l’enfant, la maladie se manifeste par une croissance excessive et rapide de l’ensemble
du corps (gigantisme), due à l’excès d’hormone de croissance, tant que les cartilages osseux ne sont pas soudés. Ceux-ci se soudent généralement après la puberté, mettant fin à la croissance en longueur des os. Les enfants atteints sont donc anormalement grands (la taille des garçons peut par exemple atteindre 2 mètres à la fin de l’adolescence).
Le gigantisme peut être associé ou non à d’autres signes d’acromégalie (on parle alors
d’acromégalo-gigantisme). Certains enfants ou adolescents atteints présentent notamment
des complications cardiovasculaires et des douleurs aux articulations.
Quelques situations particulières d’acromégalie
L’acromégalie fait parfois partie d’un syndrome complexe, c’est-à-dire qu’elle peut être associée à d’autres manifestations. Par exemple, le syndrome de Wermer associe une acromégalie
à de multiples tumeurs ( « néoplasie endocrinienne multiple de type 1 »), le syndrome de
Carney l’associe à des tumeurs cardiaques et à des taches brunes sur la peau. Enfin, le syndrome de McCune-Albright se caractérise par des anomalies osseuses, une puberté précoce et éventuellement une acromégalie.
Comment expliquer les symptômes ?
Les symptômes de l’acromégalie sont le résultat de l’excès d’hormone de croissance dont
tous les effets normaux (sur les os, les muscles, la dégradation du sucre, des graisses…)
sont exacerbés et non régulés. Les conséquences de cet excès sont :
- l’accélération de la croissance chez l’enfant et l’épaississement des os chez l’adulte (la
croissance des os étant terminée chez l’adulte, l’excès d’hormone de croissance entraîne un
épaississement des os et non un allongement).
- l’augmentation du volume des muscles et de tous les organes dont le cœur. Cette action
s’exerce aussi au niveau de la peau qui s’épaissit, et du larynx, donnant une voix rauque.
- l’augmentation du taux de sucre et de graisses (lipides) dans le sang, ce qui explique le
diabète et les effets néfastes des lipides sur les vaisseaux sanguins et le cœur (d’où l’hypertension artérielle, par exemple).
Quelle est son évolution ?
Non traitée, l’acromégalie s’aggrave, sans guérison spontanée, entraînant une diminution
de 10 ans d’espérance de vie en moyenne. La sévérité de la maladie est due à l’apparition
progressive des diverses complications. Les plus dangereuses sont les complications cardio-vasculaires : hypertension artérielle (trois fois plus fréquente que dans la population
générale), troubles du rythme cardiaque et risque d’insuffi sancee cardiaque. En effet, le
cœur augmenté de volume a du mal à fonctionner et risque dans certains cas de s’arrêter,
lors d’un effort par exemple.
Comme on l’a vu, les perturbations hormonales peuvent entraîner un diabète, qui présente
des risques supplémentaires (endommagement des reins avec nécessité de dialyses, atteinte
des yeux avec risque de cécité). Les nerfs optiques (permettant la transmission des images
de l’œil au cerveau), qui se trouvent à proximité de l’hypophyse, peuvent être comprimés
par la tumeur, ce qui provoque une baisse de la vision, source de handicap important.
De plus, il existe un risque accru de développer un cancer : l’hormone de croissance stimule
plus ou moins directement la croissance des cellules, et les cancers sont donc plus fréquents
chez les personnes atteintes d’acromégalie que dans la population générale. Les cancers du
côlon ou les « polypes » du côlon (petites excroissances pouvant évoluer en cancer) sont
les plus fréquents.
Enfin, l’acromégalie est responsable de douleurs articulaires importantes, notamment au
niveau des grosses articulations (genoux, hanches…). Les douleurs de dos et les déformations de la colonne vertébrale (dos courbé) peuvent être très handicapantes et limiter la
mobilité.
Cependant, le traitement permet d’obtenir une guérison ou de limiter l’évolution des symptômes chez la grande majorité des malades. Ainsi, les symptômes liés aux dérèglements hormonaux (transpiration excessive, perturbation des règles…) disparaissent, la déformation du visage et des extrémités et l’atteinte des organes cessent d’évoluer et les douleurs articulaires s’atténuent. L’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et le diabète peuvent même disparaître complètement.
Le diagnostic
Comment fait-on le diagnostic de l’acromégalie ?
Le médecin évoque le diagnostic d’acromégalie à partir des manifestations que présente
le malade. Le délai entre le début de la maladie et le diagnostic est souvent de plusieurs
années en raison de l’apparition très progressive et insidieuse des symptômes.
Chez les enfants ou les adolescents, le diagnostic est suspecté lorsque la croissance est nettement accélérée et que l’enfant est très grand par rapport aux personnes de sa famille.
La confi rmation de l’excès d’hormone de croissance (hypersécrétion) se fait par le dosage
direct de l’hormone dans le sang (par prise de sang). Cette hormone étant sécrétée de manière irrégulière (par pics discontinus), un dosage isolé n’a aucune valeur. Plusieurs tests
sont donc nécessaires.
Cependant, l’examen permettant de confirmer le diagnostic d’acromégalie est le test de freinage par le glucose : normalement, l’augmentation du taux de sucre (glucose) dans le sang
induit une baisse de la sécrétion d’hormone de croissance. Ce test consiste à augmenter
artificiellement le taux de glucose dans le sang (en buvant une boisson spéciale sucrée), et
de mesurer régulièrement (toutes les demi-heures environ) le taux d’hormone de croissance
dans le sang. En cas d’acromégalie, l’hormone de croissance n’étant plus « contrôlée », son
taux reste constant : on parle d’absence de freinage.
En quoi consistent les tests diagnostiques et les examens complémentaires ? A quoi vont-ils servir ?
D’autres examens sont effectués dans le but de rechercher la cause de l’acromégalie (adénome hypophysaire ou tumeur productrice de GHRH).
Le scanner et surtout l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent de mettre en
évidence l’adénome hypophysaire.
La mise en évidence d’un adénome de l’hypophyse conduit le médecin à évaluer son retentissement sur l’hypophyse et sur les nerfs optiques. Ceux-ci risquent en effet d’être comprimés par la tumeur, entraînant une réduction du champ de vision. Ainsi, un examen ophtalmologique approfondi est nécessaire.
Pour savoir si les autres hormones contrôlées par l’hypophyse sont touchées par l’adénome,
un bilan hormonal complet est effectué. Les taux d’hormones thyroïdiennes, surrénaliennes,
sexuelles ainsi que celui de prolactine sont mesurés.
Une échographie du cœur (échocardiographie) est également utile pour évaluer l’état et le
fonctionnement du cœur.
Le diabète et ses complications (endommagement des yeux et des reins) sont également
surveillés régulièrement.
Enfin, la recherche de polypes du côlon, fréquents dans l’acromégalie, peut nécessiter une
coloscopie. Cet examen, pratiqué sous anesthésie, consiste à explorer le gros intestin (côlon) à l’aide d’un endoscope (fibre optique) introduit par l’anus.
Un enregistrement du sommeil, effectué la nuit à l’hôpital, peut être recommandé pour
évaluer l’importance des apnées du sommeil et éventuellement mettre en place une aide
respiratoire (masque de ventilation) pour la nuit.
Peut-on confondre cette maladie avec d’autres ? Lesquelles ? Comment faire la différence ?
L’acromégalie peut être confondue avec d’autres maladies, mais aussi avec des caractéristiques morphologiques proches de l’acromégalie (grande taille, grandes mains…) qui sont en
fait des traits familiaux et non pas des pathologies. Ceci est surtout le cas lorsqu’un enfant
grandit beaucoup et très vite, et que ses parents s’en inquiètent.
Par ailleurs, toutes les maladies caractérisées par une déformation des os ou des extré-
mités et/ou une grande taille, ainsi que les syndromes associés à une acromégalie, peuvent être évoqués. Cependant, les examens sanguins et l’IRM permettent de confirmer le diagnostic.
Les aspects génétiques
Quels sont les risques de transmission aux enfants ? Quels sont les risques pour les autres membres de la famille ?
L’acromégalie n’est pas une maladie héréditaire. Elle ne se transmet pas aux enfants.
Seuls certains syndromes caractérisés entre autres signes par une acromégalie sont génétiques. C’est seulement dans ces situations exceptionnelles qu’une consultation en génétique est nécessaire pour une évaluation précise du risque chez les autres membres de la famille.
Le traitement, la prise en charge, la prévention
Existe-t-i l un traitement pour l’acromégalie ? Quelles sont les différentes options thérapeutiques ? Quels sont les bénéfices du traitement ? Quels en sont les risques ?
L'objectif du traitement est double : d’une part, stopper la progression de la tumeur
et atténuer les symptômes, et d’autre part normaliser le taux d’hormone de croissance pour enrayer l’évolution de la maladie.
Il existe trois types de traitements possibles.
Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical est dans la plupart des cas le traitement de choix. Il consiste à
retirer l’adénome hypophysaire. Le plus souvent, l’adénome peut être retiré par voie nasale
(le chirurgien n’a alors pas besoin d’ouvrir le crâne). Exceptionnellement, certains adénomes de taille importante doivent être retirés en ouvrant la boîte crânienne.
L’opération permet de rétablir une sécrétion normale de l’hormone de croissance chez 80 à
90 % des personnes ayant un adénome suffi samment petit pour être ôté par voie nasale (microadénomes). En revanche, ce résultat n’est obtenu que chez 50 à 60 % des personnes qui
présentent un adénome de grande taille (macroadénome, de diamètre supérieur à 10 mm).
Dans tous les cas, il s’agit d’une opération chirurgicale diffi cile, durant souvent plusieurs
heures et non dénuée de risques. Parfois, l’intervention a des conséquences indésirables,
comme l’augmentation du volume des urines (quel que soit le volume de liquide absorbé)
accompagnée d’une soif intense (on parle de diabète insipide). Cette complication est
habituellement transitoire. Par ailleurs, un écoulement de liquide par le nez (rhinorrhée)
peut aussi survenir après l’intervention mais il est généralement bénin. Cependant, tous les
malades ne peuvent pas être opérés : chez certaines personnes, la tumeur est trop grosse
ou elle est située trop près de structures importantes du cerveau qui pourraient être lésées
au cours de l’opération.
En l’absence d’amélioration de l’état du malade ou en cas de récidive (lorsque l’adénome
« repousse »), un autre traitement, par radiothérapie et/ou médicaments est proposé.
Radiothérapie
La radiothérapie est l’utilisation de rayonnements (rayons X, rayons gamma, électrons…)
dont l’énergie va permettre de détruire les cellules de la tumeur. En effet ces rayons traversent les tissus et empêchent les cellules visées de se multiplier. Les séances durent une
quinzaine de minutes (dont quelques minutes seulement d’irradiation) et sont totalement
indolores. En général, une trentaine de séances réparties sur 6 semaines sont nécessaires.
La radiothérapie est très effi cace pour empêcher les résidus de tumeur n’ayant pu être totalement enlevés par chirurgie de croître à nouveau. Cependant les effets de la radiothérapie
sont lents et la régulation de l’hypersécrétion hormonale peut prendre jusqu’à 10 ou 15
ans. De plus, elle entraîne un dérèglement hormonal avec des troubles divers (absence de
règles, impuissance, pâleur, frilosité, peau et cheveux fins…).
Cette technique n’est donc proposée, sauf cas exceptionnel, qu’en complément du traitement chirurgical et /ou des médicaments. Une forme de radiothérapie récente, encore assez
rarement employée, appelée radiochirurgie « Gamma knife », permet de diminuer le risque
de complications hormonales. Cette technique utilise une multitude de faisceaux de rayons
qui se concentrent sur la tumeur pour la détruire. Elle a l’avantage de pouvoir être réalisée
en une seule séance mais est réservée aux petites tumeurs.
Traitement par médicaments
Plusieurs médicaments ont montré leur effi cacité dans la réduction du taux d’hormone de
croissance. Ces médicaments sont utilisés en association avec la chirurgie et/ou la radiothérapie, notamment quand l’ablation de la tumeur a été incomplète.
On peut utiliser les « dopaminergiques », comme la bromocriptine, administrée sous forme de comprimés, mais également le quinagolide et surtout la cabergoline, qui sont mieux
tolérés et plus puissants. Ils sont surtout utilisés en cas de production excessive de prolactine. Ils diminuent légèrement la sécrétion de l’hormone de croissance par la tumeur.
Ces médicaments ont des effets indésirables dont la fréquence et l’importance diffèrent
selon les produits et dépendent de la durée d’utilisation. Les troubles digestifs (nausées et
vomissements) et neuropsychiatriques (somnolence, troubles de la motricité, état confusionnel, hallucinations, accès brutaux de sommeil) sont les effets les plus fréquents. Des
malaises au lever, parfois avec vertiges et perte de connaissance (hypotension orthostatique), peuvent également gêner le malade. Enfi n, des migraines fortes peuvent compromettre la poursuite du traitement. De plus, ces médicaments ne sont effi caces que chez une
minorité de malades.
D’autres types de médicaments, appelés analogues de la somatostatine (inhibant la sécré-
tion d’hormone de croissance), sont utilisés, et notamment l’octréotide et le lanréotide. Ces
médicaments étaient auparavant administrés plusieurs fois par jour par voie sous-cutanée
(injections), mais il existe aujourd’hui des formes permettant le recours à une injection
mensuelle unique. Ils permettent de normaliser le taux d’hormone de croissance chez environ deux tiers des personnes traitées ; après 6 mois de traitement, ils entraînent en outre
une réduction du volume de l’adénome. Le principal effet indésirable des analogues de
la somatostatine est la survenue de troubles gastro-intestinaux : douleurs abdominales,
diarrhées voire émission de selles graisseuses (stéatorrhée). L’apparition de calculs dans la
vésicule biliaire (sortes de « cailloux » se formant dans une poche située sous le foie, la
vésicule biliaire) est relativement courante. Heureusement, ces calculs sont le plus souvent
indolores et n’entraînent pas de complication particulière.
Enfin, un médicament empêchant l’hormone de croissance d’agir est parfois utilisé, en cas
d’échec de la chirurgie, de la radiothérapie, ou en raison d’une mauvaise tolérance ou de
l’échec du traitement par les analogues de la somatostatine. Il s’agit du pegvisomant, utilisé sous forme d’injections sous-cutanées quotidiennes. Ce médicament est généralement très bien toléré.
Quelles seront les conséquences du trai tement pour la vie quotidienne ?
Le traitement, même s’il atténue beaucoup les symptômes de la maladie, peut rester sans
effet sur certaines des complications qui entravent l’autonomie, telles que la perte de la
vision par exemple. Les déformations osseuses causées par la maladie sont également irréversibles. De plus, les effets indésirables peuvent nuire à la qualité de vie du malade. Par
exemple, certains médicaments entraînent une baisse de la vigilance, rendant la conduite
dangereuse et pouvant s’ajouter à la somnolence due aux apnées du sommeil. Cela étant,
certains effets secondaires peuvent s’atténuer petit à petit.
Quoi qu’il en soit, dans la plupart des cas, l’association de la chirurgie et des médicaments permet d’obtenir une stabilisation nette de la maladie, si ce n’est une guérison totale.
Quelles sont les autres opti ons thérapeutiques ?
Toutes les complications de la maladie doivent être traitées parallèlement au traitement de
l’adénome hypophysaire.
Syndrome du canal carpien
Lorsque les symptômes (engourdissements, douleurs, gêne pour les mouvements) sont trop importants, des infiltrations (injections) de corticoïdes au niveau du poignet, réalisées par un médecin rhumatologue, peuvent soulager le malade. Une intervention chirurgicale peut être nécessaire lorsque les douleurs persistent ou s’aggravent, après une ou deux
infiltrations.
Apnées du sommeil
Quand les apnées du sommeil sont trop fréquentes, une assistance respiratoire peut être envisagée. Il s’agit d’un masque que l’on pose sur le nez, relié à une machine par un tuyau
souple, qui insuffle de l’air dans les poumons et normalise ainsi la respiration. Le masque
est en général porté toute la nuit.
Troubles de la vision et de l’audition
Ceux-ci cessent de s’aggraver lorsque la tumeur a été enlevée et qu’elle ne comprime plus les nerfs de la vision et de l’audition dans le cerveau. Cependant, lorsque les lésions sont trop importantes, les troubles sont irréversibles.
Chirurgie esthétique
Certaines déformations du visage, et notamment le menton proéminent, peuvent parfois être corrigées par chirurgie esthétique lorsque la guérison a été obtenue.
Diabète
Le diabète diminue généralement après le traitement de la tumeur. En attendant, il est recommandé de suivre un régime assez strict, pauvre en graisses, et de surveiller régulièrement le taux de sucre dans le sang. Des médicaments peuvent éventuellement être utilisés.
Un soutien psychologique est-il souhaitable ?
Le soutien psychologique est souvent nécessaire chez les personnes atteintes d’acromégalie, en raison des retentissements psychologiques importants de la maladie (détérioration de l’image et de l’estime de soi, complexes physiques…). Par ailleurs, le fait de vivre avec une maladie chronique, qui s’accompagne de complications potentiellement graves, entraîne souvent un sentiment d’angoisse ou une dépression pouvant être soulagés par une aide psychologique adaptée. Chez les enfants et les adolescents, souvent sujets à des moqueries en raison de leur grande taille, le soutien psychologique et familial peut être d’une grande aide. En effet, le fait d’être particulièrement grand et de se faire remarquer constamment est souvent à l’origine d’une perturbation de la confi ance en soi et peut causer un mal-être important.
Que peut-on faire soi-même pour se soigner ?
L’assiduité dans la prise des médicaments et le suivi du régime prescrit en cas de diabète sont nécessaires pour réduire autant que possible les risques de complications.
Comment se faire suivre ?
Le suivi de l’acromégalie se fait en consultation d’endocrinologie (endocrinologie pédiatrique pour les enfants). La fréquence des visites dépend de la cause de la maladie et de ses complications. Le recours à différents spécialistes, comme un cardiologue, un diabétologue, un ophtalmologue et un rhumatologue peut ainsi être nécessaire. Le neurochirurgien et le radiothérapeute interviennent au moment de la chirurgie et de la radiothérapie si elle sont recommandées.
Par ailleurs, en cas d’acromégalie, le risque d’apparition de petites excroissances dans le
côlon (polypes ou adénomes colo-rectaux) est accru, et par là-même le risque de cancer
du côlon (qui reste néanmoins rare). Il est donc recommandé d’effectuer une coloscopie tous les 3 à 5 ans.
Quelles sont les informations à connaître et à faire connaître en cas d’urgence ?
Il est important de faire part du diagnostic à l’équipe soignante et de signaler les traitements en cours pour éviter certaines associations de médicaments incompatibles. Il est également utile de signaler le type et la date de l’intervention chirurgicale ou des séances de radiothérapie si elles ont eu lieu.
Peut-on prévenir cette maladie ?
Non, il n’existe pas de prévention possible de l’acromégalie.
Vivre avec
Quelles sont les conséquences de la maladie sur la vie familiale, professionnelle, sociale, scolaire, sportive ?
Chez l’adulte, les modifications corporelles, la fatigue chronique, les troubles sexuels et
la tendance au ronflement peuvent être à l’origine de conflits familiaux et d’altération de l’estime de soi, surtout avant que le diagnostic ne soit posé.
L’acromégalie a également un impact non négligeable sur la vie professionnelle. Les nombreuses consultations à l’hôpital, les examens divers et les éventuelles complications sont sources d’absentéisme et de fatigue, et sont souvent à l’origine d’une cessation de l’activité professionnelle.
Le diabète, les complications cardio-vasculaires ou la baisse de la vision, lorsqu’ils apparaissent, sont des troubles particulièrement handicapants.
La fatigue contribue à la réduction des activités et des sorties, avec le risque d’un isolement progressif, surtout si les modifications physiques sont source de complexes importants.
Pour les enfants et les adolescents atteints, la taille « hors norme » est souvent à l’origine d’une altération de la qualité de vie et de l’image de soi, surtout pour les jeunes filles très grandes. Trouver des vêtements, des chaussures, des meubles adaptés peut s’avérer difficile dans la vie de tous les jours. Comme chez les adultes, l’absentéisme et la fatigue peuvent entraîner des difficultés scolaires chez l’enfant ou l’adolescent. L’activité sportive est vite limitée du fait des symptômes de l’acromégalie qui rendent rapidement tout effort difficile (fatigabilité, essouffl ement, douleurs articulaires…). Dans certains cas, le parcours scolaire peut être aménagé grâce à un projet d’accueil individualisé (PAI) ou à un projet personnel de scolarisation (PPS). Il s’agit d’une convention associant la famille, l’école et le médecin
scolaire, permettant de répondre aux besoins de l’enfant et d’informer les enseignants sur la
maladie. Les absences fréquentes, la fatigue ou la grande taille pouvant nuire à l’intégration
et au bien-être de l’enfant à l’école, il est primordial de bien informer les professeurs et les
autres élèves sur la maladie.
Acromégalie et grossesse
Chez les femmes, les troubles hormonaux associés à l’acromégalie peuvent être à l’origine d’une absence d’ovulation. De plus, les troubles sexuels comme l’impuissance ou l’absence de désir ne sont pas rares, ce qui peut rendre la conception d’un enfant encore plus difficile.
La mise en route du traitement médicamenteux peut toutefois normaliser le cycle, rétablir la possibilité d’une grossesse et parfois atténuer les troubles sexuels. Cependant, certains médicaments sont nocifs pour le fœtus et ne doivent pas être pris pendant la grossesse. Il est donc recommandé de discuter avec son médecin de tout projet parental, et de l’informer de toute grossesse, afin de bénéficier d’un suivi particulier et d’un traitement adapté.
En savoir plus
Où en est la recherche ?
La recherche sur l’acromégalie se concentre sur quatre points essentiels :
- Recherche de médicaments de plus en plus effi caces et de mieux en mieux tolérés.
- Appréciation de l’évolution à long terme des acromégalies traitées et guéries par rapport aux acromégalies dont les taux d’hormone de croissance ne sont que partiellement réduits.
- Etude du rôle de l’hormone de croissance en excès dans l’apparition des tumeurs, surtout
au niveau du côlon, et dans l’apparition et l’évolution des troubles cardiaques et de l’hypertension artérielle.
- Recherche des causes et des mécanismes de la maladie.
Comment entrer en relation avec d’autres malades atteints de la même maladie ?
En contactant les associations de malades consacrées à cette maladie. Vous trouverez leurs
coordonnées en appelant Maladies Rares Info Services au 0 810 63 19 20 (Numéro azur,
prix d’un appel local) ou sur le site Orphanet (
www.orphanet.fr).Les prestations sociales en France
En France, l’acromégalie peut être reconnue comme une « affection grave caractérisée de
forme évolutive ou invalidante, nécessitant des soins continus d’une durée prévisible supérieure à 6 mois, mais ne figurant pas sur la liste des 30 affections définies par le code de la sécurité sociale ». A ce titre, les malades atteints d’acromégalie peuvent être exonérés du ticket modérateur, c’est-à-dire que les frais médicaux inhérents à leur maladie (médicaments, examens de laboratoire, radiographies ou scanner…) peuvent être remboursés à 100 %. Le dossier doit être établi par le médecin traitant avec l’appui des médecins spécialistes.
http://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Acromegalie-FRfrPub408.pdf